Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/226

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

vais trop de réserve aux paroles de Henriette ; et quand je venais à songer aux terribles préventions que ma conduite et les discours de mon oncle avaient dû jeter dans l’esprit susceptible du géomètre, je perdais de nouveau tout l’espoir que je venais de ressaisir.

Cependant dix heures allaient sonner. Avec une anxiété croissante, je rappelai à mon oncle tout ce qu’il avait à dire, et nous convînmes qu’aussitôt sa démarche faite il monterait directement à mon atelier, où j’allai l’attendre.




J’y étais établi depuis quelques instants, lorsqu’on entra dans la chambre de Henriette. Je distinguai le pas de deux personnes, et, à divers signes, je fus bientôt certain que c’était elle et sa mère.

Cette certitude me causa un tel mécompte, que je m’imaginai que tout était perdu. Depuis l’entretien que j’ai rapporté, je m’étais toujours figuré que cette bonne dame, confidente des intimes pensées de Henriette, était disposée à m’accueillir avec faveur, et que, désireuse avant tout de confier sa fille à un jeune homme honnête, elle serait auprès du géomètre mon meilleur avocat, le seul du moins sur lequel je pusse compter. En les voyant donc, elle et sa fille, abandonner la place dans un moment si décisif, et laisser mon oncle à la merci du géomètre, tout imbu de préventions qu’elles ne pouvaient sûrement pas partager au même degré que lui, je jugeai mes vœux repoussés à l’avance. Dans cette situation désespérée, je résolus de profiter des moments pour tenter une dernière ressource : c’était de me présenter devant ces dames, et de m’efforcer, en leur laissant voir toute l’ardeur et la sincérité de mes