Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/236

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Mes amitiés à vos honnêtes parents… et montrez-moi encore une fois ce marmot… Ils vont, voyez-vous, m’accabler de questions là-haut, mon frère, ma belle-sœur… Bonnes nouvelles, leur dirai-je, bien bonnes !

« Cependant sa vue s’affaiblissait, son souffle était plus précipité, et à divers signes on pouvait prévoir sa fin prochaine ; mais son discours était net encore, son esprit paisible, et la chaleur douce de son cœur ne devait se dissiper qu’avec sa vie. Vers midi, il m’appela : — Si M. Bernier doit revenir (c’est notre pasteur), voici l’heure, je pense… (je l’envoyai chercher). J’ai eu une longue vie… et j’ai une heureuse mort… je suis au milieu de vous… Où est ta main, mon pauvre Jules ?… Quelques instants après, je lui annonçai l’arrivée du pasteur.

« — Soyez le bien venu, mon cher monsieur Bernier… Nous voici prêts, faites votre ministère… J’ai vendu mon Hippocrate… c’est maintenant l’Israélite qui s’en fait du bien… Mais si j’abandonne ma guenille à cette mauvaise, ainsi ne fais-je pas de mon âme… Je vous la recommande, mon bon monsieur Bernier. Faites, faites… crainte qu’elle ne s’envole… le fil est bien ténu !

« Alors le pasteur a fait une prière remplie d’onction et de bonhomie. — Amen ! a répété mon oncle… Adieu, cher monsieur, au revoir… Je vous recommande ces enfants. Le pasteur, homme âgé aussi, lui a serré la main avec cette affection tranquille qui donne la conviction de se rencontrer bientôt ailleurs, et il s’est retiré. Mon oncle s’est ensuite assoupi. Environ une heure après, il a fait un effort, et, d’une voix bien faible : — Jules !… Henriette !… (il tenait nos mains). Ce sont ses dernières paroles ; son souffle s’est bientôt arrêté.