Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/251

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jeunes mariés et les vieux garçons ; tout au moins il ne peut y avoir entre eux entière et intime sympathie. Les jeunes mariés plaignent le vieux garçon ; mais leur pitié ressemble, à s’y méprendre, à de la moquerie. Le vieux garçon admire les jeunes mariés ; mais son admiration n’est séparée de la raillerie que par un cheveu. Je me disais donc que j’avais eu raison de couper court à leurs quolibets ; et que, si j’avais mis un peu de vigueur dans ma ruade, c’était mon droit, celui du faible, puisque je me trouvais un contre deux.

— Monsieur ! — Qu’y a-t-il ? — Ah ! monsieur ! — Eh bien ? — On sonne au feu ! — Ce ne sera rien. — Quatre maisons, monsieur ! — Où ça ? — Dans le faubourg. — Apporte-moi de l’eau chaude pour me faire la barbe. — Monsieur veut… — Je veux me faire la barbe. — Monsieur entend-il crier ? — Oui. — Dois-je tout de même apporter de l’eau chaude à monsieur ? — Eh oui ! imbécile. Veux-tu que parce qu’on crie au feu, je ne me fasse pas la barbe ?…

« C’est vraiment une belle chose que les assurances, pensais-je en ôtant ma cravate ; voilà des gens qui peuvent voir brûler leurs maisons tout tranquillement, les bras croisés. Les drôles échangent des masures contre des maisons neuves. Un peu de désagrément, c’est vrai ; mais qu’est-ce en comparaison d’autrefois ! Avec ça, il est heureux pour les assurances que le vent ne soit pas plus fort. »

— Eh bien ! apportes-tu cette eau chaude ? — Voici !… — Tu trembles, je crois. — Ah ! monsieur… six maisons !… toutes en flammes… on craint déjà pour le quartier neuf… et ma mère qui ne demeure pas bien loin ! — Et tu ne sais donc pas que, outre les secours qui abondent toujours, ces maisons sont toutes assurées ?