Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/285

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

siens, et je ne le ferai valoir qu’autant que vous le reconnaîtrez vous-même. — Je le reconnais, lui dis-je.

— Je vous parlerai donc avec franchise, monsieur, continua-t-il. J’arrive ici, prévenu contre vous par des apparences, par les propos d’une voisine, et plus encore par la douleur d’une mère respectable, qui voit, pour la première fois, le scandale et la médisance effleurer la couronne sans tache qui faisait le plus bel ornement et la seule richesse de son enfant. Mais je n’ignore point que le scandale et la médisance n’épargnent pas les intentions les plus pures et les procédés les plus honnêtes, et je suis encore prêt à croire les vôtres tels. Seulement, monsieur, il m’importait, dans une chose qui intéresse le bonheur de deux personnes que leur isolement recommande le plus spécialement à ma protection, de venir à vous, de vous parler, d’apprendre, si je le puis, quel danger elles ont couru ou peuvent courir encore, afin d’être mieux à même de les guider selon le bon sens et la vérité. Je vous l’avouerai encore, quelque coupable ou quelque imprudent que vous puissiez avoir été, je n’ai pas désespéré que les discours d’un vieillard désintéressé pussent vous détourner de faire le mal, ou tout au moins vous inspirer des sentiments de respect ou de piété favorables à mes deux paroissiennes.

— Monsieur, répondis-je aussitôt, je ne blâme ni vos motifs ni vos préventions ; mais il me semble qu’un témoignage était encore préférable au mien, c’est celui de la jeune fille. Si cette enfant m’accuse d’avoir manqué d’égards, si ses paroles déclarent autre chose que les soins respectueux que je lui ai rendus, si elles trahissent de ma part la moindre atteinte à sa pureté..... qu’est-il besoin de venir à moi ? Ne croirez-vous pas plutôt au témoignage de cette modeste enfant qu’à celui