Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/299

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que j’ai donné ma confiance à votre caractère, je dois laisser le reste à son libre choix… Mais entrez, je vous prie…

J’étais trop troublé pour oser répondre ; toutefois, oubliant, dans l’expansion de mon cœur, cette retenue à laquelle se conforme la politesse qui se possède, je saisis la main de cette dame, et j’y appliquai mes lèvres avec un transport auquel elle parut sensible. À peine j’avais lu ce mouvement sur son visage, que, déjà moins timide, j’avançais mon bras pour recevoir le sien et la conduire dans le salon. À ce moment je me sentis son fils ; et mon cœur, exalté par le bonheur et la reconnaissance, lui vouait avec serment cette affection sincère dont j’ai tâché depuis de réjouir ses vieux jours.

Dès que je fus entré dans le salon, la jeune fille me reconnut, et ses joues se colorèrent d’une vive rougeur. Puis, me voyant soutenir le bras de sa mère, elle reprit un air plus tranquille, et s’inclina pour me saluer. Elle se tenait debout, dans une attitude pleine de grâce et de modestie, attendant pour s’asseoir que les autres personnes fussent placées. « J’espère, mademoiselle, lui dis-je, que vous ne vous ressentez pas trop des fatigues de cette soirée à laquelle je dois l’avantage de vous connaître. » Elle rougit de nouveau ; et, pour chasser l’embarras que causaient ces souvenirs, je parlai de l’incendie. La conversation s’établit alors, mais froide et contrainte, comme il arrive lorsque les paroles ne servent qu’à voiler les préoccupations du cœur. La jeune fille seule, étrangère à ces préoccupations, se livrait avec abandon au plaisir d’écouter, et ajoutait quelques paroles timides à ces récits qui captivaient son attention sans partage.

Néanmoins cette situation, en se prolongeant, devenait