Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/300

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gênante ; et, quoique déjà plus rassuré, les paroles de la dame m’avaient laissé incertain sur ce que je pouvais hasarder de dire. À la fin, M. Latour s’adressant à la jeune demoiselle : — J’ai, lui dit-il, un vœu à former, mademoiselle Adèle : c’est que mon ami, qui est aussi celui de madame votre mère, puisse un jour devenir le vôtre. — Vous savez bien, monsieur Latour, dit la jeune fille timidement, mais sans honte, que j’aime tous ceux qui sont chers à ma mère et à vous. Je compris alors qu’elle ne se doutait point du motif de ma venue, et que son cœur ingénu n’avait point pénétré le sens des paroles de M. Latour. — Mademoiselle, repris-je aussitôt, la moindre affection de votre part est une faveur sans prix à mes yeux ; mais pourquoi vous taire le vœu auquel j’attache toute ma félicité ?… c’est le don de votre main que j’implore, c’est le bonheur d’associer ma vie à la vôtre, celui de trouver, avec une compagne tout aimable, une mère que j’aime déjà et je vénère comme celle que j’ai perdue !

Pendant que je m’exprimais ainsi, la jeune enfant, surprise, alarmée, jetait tour à tour un regard sur M. Latour, sur moi, sur sa mère. Celle-ci, sur le point de décider seule du sort d’une fille tendrement aimée, avait senti se rouvrir la blessure de son cœur : en sorte que déchirée par les souvenirs du passé, soumise et tremblante devant l’incertitude de l’avenir, son regard implorait l’affection, l’appui, la pitié ; et, cessant de se contraindre, elle laissait couler de ses yeux d’abondantes larmes. — Maman, lui dit sa fille en se réfugiant auprès d’elle, pourquoi pleurez-vous ?… J’aime monsieur, je vous suis soumise… disposez de moi pour votre bonheur ; là seulement je trouverai le mien… Sa mère ne pouvait lui répondre ; mais, à la fin, ses alar-