Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/320

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lord avait été si soudaine et si vive, qu’incapable de la surmonter il s’était laissé tomber sur ses genoux tremblants. Son visage était pâle et défait ; sa fille, qui du haut du col venait de l’apercevoir dans cet état, poussait des cris de désespoir, et nous-mêmes nous ne savions que résoudre. — Laissez-moi, nous dit-il, et sauvez mon enfant ! — Alors le guide : — Courage ! mon brave monsieur, ce n’est rien. Et s’adressant à moi : — Portons-le ! Nous réunîmes nos efforts, et avec des peines infinies nous atteignîmes au sommet.

Il y avait sur ce sommet un espace de quelques pieds qui, sans cesse balayé par le vent, se trouvait dépouillé de neige. C’est là que nous nous trouvions réunis tous les quatre. La tourmente approchait toujours. — Il ne faut pas vieillir ici, dit le guide. Je prends le monsieur, c’est le plus lourd ; vous, mamselle. Nous n’avons plus qu’à descendre, mais par-dessus vingt pieds de neige. Vous autres, mettez vos pas par où j’aurai fait les miens. N’oubliez pas ça, c’est pour éviter les trous qui sont à l’entour des rocs. Courage ! mon brave monsieur ; courage ! mamselle. C’est rien ! Voici qui va vous revenir.

En disant ces mots, le guide avait tiré de sa poche une vieille gourde en cuir qui contenait encore quelques gouttes d’une mauvaise eau-de-vie du pays. — À la guerre comme à la guerre, dit-il, et en même temps il présentait la gourde aux lèvres de la jeune miss. Celle-ci goûta la liqueur, et rendit la gourde avec un sourire de reconnaissance. Le guide y fit ensuite boire milord, puis il me la passa. Elle était légère. — À vous, guide, lui dis-je. — Buvez seulement, répliqua-t-il en s’apprêtant à partir ; c’est à peine si vous y trouverez de quoi. Puis, regardant au-dessus de sa tête : — En route ! s’é-