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Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/323

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Le guide déblaya la neige, fit un trou à la toiture, descendit le premier, reçut la jeune fille de mes bras dans les siens, et bientôt nous fûmes tous ensevelis dans cette demeure, qui pour parois avait des poutres noires, enfumées, et pour plancher un humide terreau dont la nature indiquait assez le séjour qu’y avaient fait les troupeaux l’été précédent.

Sans cette misérable demeure, qui nous fut si précieuse, il est difficile de prévoir ce que serait devenue notre jeune compagne. À la tourmente qui avait éclaté avant de nous atteindre, avait succédé une pluie froide, mêlée de neige, dont les gouttes serrées piquaient le visage, gênaient la vue, et bornaient notre horizon à quelques pas, en sorte que le guide lui-même n’avait plus d’autre indice pour nous conduire que la pente de la montagne : c’était le reste de la tempête qui passait sur nos têtes. D’ailleurs, bien que la jeune miss fût légère, il m’eût été absolument impossible de la transporter plus loin ; et, de son côté, le guide ne pouvait me succéder dans mon office, sans abandonner la conduite de notre petite caravane au milieu d’une route dont les difficultés et les dangers réclamaient toute son attention et toute la liberté de ses mouvements. C’est ce que ce brave homme avait pressenti avant nous, quand il s’était écrié brusquement : Je sais une baraque ! Dès que nous y fûmes entrés, il en ébranla la porte, la souleva sur ses gonds ; puis l’inclinant convenablement et de façon qu’elle nous présentât le côté le moins humide, j’étendis par-dessus tout ce que recélait mon havre-sac, et nous y déposâmes la jeune miss. Milord, silencieux, mais en proie à une forte agitation intérieure, soutenait de l’un de ses bras la tête de sa fille, pour qu’elle ne reposât pas sur le bois, et de l’au-