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de mon aventure. La visite de cet ecclésiastique ranima mes espérances, et je m’apprêtai à faire tourner au profit de ma délivrance tout ce que je pourrais trouver en lui de vertus chrétiennes.

Ce curé était fort âgé, infirme ; il montait lentement. — Ohé ! dit-il en m’apercevant, ces scélérats vous ont vilainement emmailloté, monsieur ! Je vous salue.

Le ton franc et l’air ouvert de ce bon vieillard me ravirent de joie. — Vilainement en vérité, répondis-je ; excusez-moi, si par leur faute je ne puis ni m’incliner ni vous tirer mon chapeau, monsieur le curé. Puis-je vous entretenir quelques instants en particulier ?

— Le plus pressé, ce me semble, c’est de vous délier, reprit-il. Vous m’entretiendrez après plus commodément. Allons, Antoine, dit-il au syndic, à l’œuvre ! et coupez-moi ces cordes, ce sera plus tôt fait.

Je me confondis en expressions de reconnaissance, et certes elles partaient du cœur. Antoine ayant tiré son couteau, se disposait à couper mes liens, lorsque le naturel, qui convoitait la corde et qui était jaloux de la posséder dans son intégrité, écarta le couteau et alla droit au nœud, qu’il parvint à défaire au bout de quelques instants. À peine libre, je serrai la main du curé, et, dans les premiers mouvements de ma joie, je le baisai sur les deux joues. Mais aussitôt une vive douleur se fit sentir dans tous mes membres, et, incapable de mouvoir mes jambes engourdies, je fus contraint de m’asseoir sur la place même. Alors Antoine s’approcha avec la chopine, pendant que le curé envoyait un de ses paroissiens chercher sa mule pour la mettre à mon service. Ces ordres donnés : — Je suis prêt à vous écouter, me dit-il. Et tout le village, femmes, mar-