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nostiquer à chaque couche de terre. Ils cassent les cailloux pour en emporter ; ils égratignent les couches pour faire un système à chaque fois : c’est fort long. Ils ne sont pas sans imagination, mais cette imagination a pour domaine le fond des mers, les entrailles de la terre ; elle s’éteint dès qu’elle arrive à la surface. Montrez-leur une cime superbe : c’est une soufflure ; un ravin rempli de glaces : ils y voient l’action du feu ; une forêt : ce n’est plus leur affaire. À mi-chemin de Valorsine, un mauvais éclat de rocher sur lequel je me reposais mit mes trois géologues en émoi : il fallut me lever bien vite et leur abandonner mon siége. Pendant qu’ils le mettaient en pièces, je m’éloignai tout doucement, et ils me perdirent de vue. Sic me servavit Apollo.

Toutefois, s’il m’arrive d’éviter le géologue, j’aime en tout temps la géologie. L’hiver surtout, au coin du feu, qu’il est charmant d’entendre raisonner sur la formation de ces belles montagnes que l’on a visitées durant les beaux jours, sur le déluge et sur les volcans, sur la grande débâcle et sur les soufflures, sur les fossiles surtout ! Quand on en est aux fossiles, je ne manque jamais d’introduire dans l’entretien le grand Mastodonte de je ne sais qui ; ou le Mégalosaurus de Cuvier : c’est un grand lézard de cent vingt pieds de long, dont nous n’avons plus que les os moins la peau. Mais figurez-vous donc cette bête royale se promenant au travers de l’ancien monde, et nourrissant sa petite famille d’éléphants en guise de moucherons ! Vivent les pittoresques ! ils propagent, ils popularisent la science : c’est là que j’ai appris toute ma géologie.

Au surplus, même sans les pittoresques, qui n’est un peu géologue ? Qui ne se demande, à la vue des accidents ou des merveilles qu’étale une montagneuse con-