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Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/366

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venaient de s’en assurer la possession, et, après avoir changé de linge et d’habits et rallumé leur cigare, ils s’y délassaient par anticipation.

La tempête était devenue si terrible, que j’étais fort inquiet au sujet de la caravane que j’avais quittée le matin, et fort impatient d’apprendre qu’elle avait déjà descendu le Col et dépassé Trient. Comme j’allais questionner l’hôte, un éclair éblouissant, suivi à l’instant même d’un effroyable coup de tonnerre, nous fit tressaillir. L’hôte se signa, et sa femme, accourue vers la fenêtre, cria : « C’est sur le bois Magnin ! » Nous regardâmes. Un homme sorti du bois s’enfuyait à toutes jambes de notre côté. Quand il fut plus près, nous l’appelâmes. Je le reconnus aussitôt pour l’avoir vu le matin auprès des parents de ma jeune compagne, et, rempli d’anxiété, je le questionnai. Il ne m’apprit rien. Vers le sommet, on lui avait fait prendre les devants, avec ordre de pousser jusqu’à Martigny pour y retenir des logements. Une heure après, la pluie était venue, puis l’orage, puis la foudre. — Elle est tombée, ajoutait-il, sur le chalet de Privaz, qui brûle à cette heure, et les bestiaux sont épars, notamment une génisse que j’ai dépassée, qui beuglait à fendre le cœur… Elle m’a suivi jusqu’à ce coup de tonnerre qui a frappé entre elle et moi, que j’ai cru que c’étions la fin du monde ! Tout à coup le Français, qui avait écouté ce colloque : — Des dames dans ce bois !… des dames parmi cette tempête ! Parbleu ! il ne sera pas dit que je ne les en aie pas tirées. Qui vient avec moi ? — Je suis votre homme, et vous êtes le mien, lui dis-je. En route ! Je prends ces deux peaux de mouton suspendues à la muraille. — Et moi ce cordial, dit le Français en versant le vin de notre chopine dans sa gourde. Sans autres apprêts, nous par-