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presque trop marqué, se communiquait déjà à nous-mêmes, lorsque, pour trouver une contenance, il se prit à rire de l’accoutrement pastoral d’Émilie. Ce fut une issue admirablement trouvée, par laquelle nous sortîmes tous de peine, riant à qui mieux mieux, sans avoir, ni les uns ni les autres, la moindre envie de rire. Vinrent ensuite les explications mutuelles sur les incidents de la journée. Mon ami le Français avait fait merveille. Il avait rencontré le guide, il avait trouvé le père, retrouvé la mère, et rassuré tous les deux en leur apprenant que leur fille était depuis une heure sous ma garde, au fond d’une grotte. C’est sur ce mot que M. Desalle (le père d’Émilie), au lieu de manifester une grande allégresse, s’était levé brusquement pour nous rejoindre en toute hâte.

Une chose que j’ai oublié de dire, lecteur, c’est que cette jeune personne, je l’avais remarquée dès longtemps à Genève déjà, au milieu des réunions de l’hiver ; je l’avais remarquée aussi aux premiers beaux jours, alors que les jeunes filles, échangeant les laines et les pelisses de la saison froide contre les robes légères et les écharpes flottantes, semblent comme des fleurs fraîchement écloses de l’enveloppe jalouse qui voilait leur éclat. Je l’avais remarquée encore lorsqu’au mois d’août elle était partie pour visiter les glaciers, et que j’étais parti sur ses traces. Demanderez-vous si elle m’avait remarqué à son tour ? Ce n’est pas à moi de le dire ; mais ce que je puis affirmer, c’est que ses parents m’avaient, eux, infiniment remarqué. Mes assiduités, qui troublaient leur repos et qui contrariaient leurs vues, les avaient seules portés à se déplacer pour venir voir une belle nature dont ils n’avaient que faire, et, comme on l’a vu plus haut, à préférer le passage