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pénible du Col de Balme au trajet facile de la Tête-Noire. Cette courte information explique bien des choses ; je pourrais la rendre plus complète en anticipant sur un avenir peu éloigné, si je ne craignais de nuire à l’intérêt de mon récit en approchant de ces poétiques aventures le dénoûment, heureux à la vérité, mais prosaïque, auquel elles aboutirent à six mois de là. Je reprends mon récit.

Le temps, sans cesser d’être sombre, n’était plus orageux ; le peu de neige qui était tombée commençait à disparaître, et tout promettait une soirée tranquille. Nous quittâmes la grotte, et nous nous dirigeâmes vers un tourbillon de fumée qui, s’élevant de derrière un bois de mélèzes, marquait la place où nous étions attendus. Le Français était absent pour l’heure, mais nous y trouvâmes madame Desalle confortablement établie dans le plus joli bivouac possible. « Votre ami, monsieur, est un homme charmant ! » me dit-elle dès qu’elle m’aperçut. En effet, avec cette activité secourable et galante que développe si vite chez les Français la vue du sexe en détresse, mon compagnon avait en quelques instants dressé une sorte de chaise longue, au moyen de quelques pierres juxtaposées et recouvertes d’un lit de mousses sèches ; au-dessus, il avait entrelacé les branchages des mélèzes, de manière à former un abri impénétrable à la neige ; puis, allumant un petit feu à l’usage de madame Desalle, il avait entassé plus loin de gros branchages de façon à produire un brasier ardent, autour duquel des baguettes, portées sur des coches faites aux mélèzes voisins, attendaient qu’on y suspendît, pour y être séchés, les effets de la caravane. Ces égards pour une dame qui n’était plus jeune, et ces soins prévoyants pour assurer le bien-être