nous donne, c’est le visage de l’immortel ; ce n’est pas, comme jadis, cette mesquine tête de Fénelon enfouie dans une perruque, c’est un magnifique masque grimé, coiffé, ébouriffé pour le public et pour la postérité… Autrefois on laissait au public le soin de retrouver sur la mesquine figure l’âme qu’avaient révélée les écrits ; aujourd’hui, c’est à ce même public de retrouver dans les écrits l’inspiration, l’originalité, l’intime, l’humanitaire, inscrits au visage. Épitaphe ! monsieur. Sur tous ces masques lithographiés, burinés ou peints, je lis en gros caractères : Voici le plus grand des poëtes ! Voilà le plus sublime des lyriques ! Celui-ci fut hâve de méditation, celui-là creux de profondeur, cet autre bouffi de génie ! Épitaphe ! monsieur ; tout est épitaphe !… Mais pour en revenir au grand Saint-Bernard… »
En ce moment quelque tumulte se fit entendre dans le bas de l’hospice, du côté du seuil, et les aboiements des chiens couvrirent la voix de notre gros monsieur. « Ce sont des arrivants, » dit le prieur. Et il nous quitta pour aller les recevoir. Nous demeurâmes seuls, le gros monsieur et moi, occupés chacun de notre côté à former des conjectures sur ce qui se passait, et sans plus songer aux épitaphes. Au bout de quelques instants, un monsieur entra dans la salle.
Ce monsieur était un touriste, âgé de trente ans environ, fort bien mis, très-communicatif. — Je vous salue, messieurs. Il prit un siège ; nous nous rangeâmes pour lui faire place. — Pardon, mais le feu fait plaisir quand on sort de l’avalanche.
— Une avalanche ! dit le gros monsieur.
— Dans cette saison ? ajoutai-je.
— Et puis belle, je vous en réponds : d’un quart de lieue au moins.