Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/407

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vers, d’hypocrisie décente et honnête parmi les hypocrisies ; je vous parle de ce qu’ont pu faire des monstres tels que vous et moi, par exemple. Tout ce que je veux dire, c’est que ces mêmes monstres, s’ils sont réellement affligés, n’ont que faire de mausolées ni d’épitaphes. La douleur se nourrit d’elle-même ; elle est timide, craintive, elle a ses pudeurs ; jusqu’à ces habits de deuil, que lui impose l’usage, en attirant les regards, lui sont importuns. La douleur pleure l’être tout entier avec ses défauts qu’elle excuse, avec ses vertus qu’elle chérit et auxquelles elle rend le culte secret des amers soupirs et des larmes ignorées. La douleur, monsieur, vraie, profonde ! loin de s’étaler, elle se laisse à peine surprendre ; et si, fils ingrat, je voulais faire croire à la mienne, avant tout je me garderais d’aller poser un marbre sur la tombe de ma mère !… »

Ce monsieur qui parlait ainsi me déplut. Le prieur me déplut aussi, qui témoignait se ranger à une opinion dont l’expression me paraissait tristement sévère, et le sens faux et paradoxal. Pour ne pas contredire, et faire diversion : « Va pour les épitaphes, monsieur ; mais nous parlions tout à l’heure de descriptions, de biographies, de portraits d’auteurs !…

— Je crois à tout cela comme aux épitaphes, et ce n’est pas à dire que je n’y croie point du tout. Écoutez donc : ces diables du Père-Lachaise, il se peut au fond que ce fussent de bons diables : à coup sûr, ils n’étaient pas sans qualités, et l’épitaphe ment peut-être autant par celles de leurs vertus qu’elle omet que par celles qu’elle leur décerne… De même, ces portraits de nos célèbres, ils ne sont pas sans ressemblance ; mais c’est pareillement du beau qui est faux sur du vrai qui est incomplet. Ce n’est pas la figure de l’homme qu’on