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Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/428

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sente un aspect mélancolique qui en écarte la foule. À la vérité, quelquefois une bande joyeuse d’écoliers parcourt les rives du fleuve, et, séduite par cet attrait de liberté qu’offrent les lieux déserts, vient camper sur la grève dont j’ai parlé ; mais plus souvent on n’y rencontre que quelques promeneurs isolés, et plutôt de ceux qui aiment à se soustraire aux regards et à rêver avec eux-mêmes. Il n’est pas rare que des malheureux, fatigués de vivre, y soient venus chercher la mort dans les flots.




J’avais environ sept ans lorsque je parcourus ce petit pays pour la première fois, tenant par la main mon aïeul. Nous marchions sous l’ombrage de grands hêtres, dans les rameaux desquels il me montrait, du bout de sa canne, les petits oiseaux qui sautaient de branche en branche. — « Ils jouent, lui disais-je. — Non, mon enfant, ils vont par la plaine d’alentour chercher de la nourriture pour leurs petits, et ils la leur apportent, et puis repartent pour recommencer. — Où sont-ils les petits oiseaux ? — Ils sont dans leurs nids, que nous ne voyons pas. — Pourquoi ne les voyons-nous pas ?… »

Pendant que je faisais ces questions enfantines, nous avions atteint l’extrémité de cette allée d’arbres que termine un gros portail en maçonnerie. Par la porte qui se trouvait entr’ouverte, on apercevait au delà quelques cyprès et des saules pleureurs ; mais dans le fronton du portail était incrustée une grande inscription en lettres noires sur un marbre blanc. Cet objet, singulier pour un enfant, me frappa. — « Qu’est-ce ? dis-je à mon grand-père. — Lis toi-même, me dit-il.