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qui n’avorte jamais, qui s’alimente de rien comme de beaucoup, qui prend sa croissance l’un des premiers, et décroît le dernier de tous ; si bien que, celui-là mort, on peut être assuré que tout le reste de l’homme a cessé de vivre : c’est celui de la vanité. Je tiens ceci d’un visiteur de morts, lequel m’a confié que, pour sa part, il s’en tenait à ce signe, le regardant comme plus sûr que tout autre ; en sorte qu’appelé auprès d’un défunt il s’assurait tout d’abord qu’il n’y eût plus envie aucune de paraître, aucun soin de son air, de sa pose, nul souci du regard des autres ; auquel cas, sans même tâter le pouls, il donnait son permis ; et que, pour avoir toujours pratiqué cette recette, il était convaincu de n’avoir jamais envoyé en terre un vivant, ce que, disait-il, font souvent ses confrères, lesquels s’en tiennent au pouls, au souffle, et autres signes incomplets.

Il prétendait, ce visiteur, que ce n’est pas tant selon la condition, la richesse ou la profession, que ce bourgeon-là varie ; que si quelque chose influe, ce serait plutôt l’âge. Dans l’enfance, il n’est pas le premier à se montrer ; dans la jeunesse, il n’est pas le plus gros ; mais, dès vingt ans, c’est un tubercule respectable et vorace, qui s’alimente de tout.




J’oublie que c’est de mon logis que je voulais parler. J’y coulais dans une paix profonde les riants loisirs de ma première adolescence, vivant peu avec mon maître, plus avec moi-même, beaucoup avec Eucharis, avec Galatée, avec Estelle surtout.

Il y a un âge, un seul à la vérité, et qui dure peu, où les pastorales de M. de Florian ont un charme tout particulier ; j’étais à cet âge. Rien ne me semblait aimable