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Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/80

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un temps précieux ; je me mis à la fenêtre pour lui dire que je ne prendrais pas de gâteaux pour ce jour-là. — Dépêchons, me dit-il, je suis pressé… J’ai déjà dit qu’il croyait en moi plus que moi-même.

— Non, repris-je, je n’ai point d’argent.

— Crédit.

— Et puis, je n’ai pas faim.

— Mensonge.

— Et puis, je suis très-occupé.

— Vite !

— Et puis, je suis prisonnier.

— Ah ! vous m’ennuyez, dit-il en soulevant son panier comme pour s’éloigner.

Ce geste me fit une impression prodigieuse. — Attendez ! lui criai-je.

Quelques instants après, une casquette artistement suspendue à une ficelle hissait deux petits gâteaux… tout chauds !


Bête de hanneton, — pensais-je en mangeant mon gâteau, — qui, avec quatre ailes pour s’envoler, se va jeter dans un puits ! Sans cette stupidité inconcevable, je faisais mes devoirs tranquillement, j’étais sage, M. Ratin content, et moi aussi : point de mensonge, point de prison… Bête de hanneton !

Heureuse idée que j’eus là ! J’avais trouvé le bouc expiatoire, en sorte que, peu à peu, le chargeant de tous mes méfaits, ma conscience reprenait un calme charmant. Ce qui y contribuait, je m’imagine, c’est que l’indignation de M. Ratin avait été si forte, qu’il avait entièrement oublié de me donner des devoirs à faire. Or, deux jours et point de devoirs, c’était peut-être, de