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DEUXIÈME PARTIE

S’appuyant le dos d’un oreiller, il conta que sa femme avait pris occasion du départ d’un ami, qui s’offrait à la conduire en France.

— Nous nous sommes quittés à l’amiable, et non pas définitivement… Après tout, elle a raison… Elle avait peur… Puis, elle m’a fait comprendre que nous serions deux à souffrir de la misère, qu’il lui restait une chance de salut, mais à saisir tout de suite. Alors… que pouvais-je répondre ?… Je n’ai pas eu le courage de la retenir.

Le malheureux ! Il tâchait d’excuser sa femme ! Il l’aimait encore !

— Elle ne m’a pas quitté sans regret… J’ai sa promesse de nous revoir après la guerre…

— Tout n’est donc pas fini ?

Axel détourna les yeux :

— Sait-on jamais !

Philippe, allumant une cigarette, laissa le musicien disculper sa femme, s’en prendre aux circonstances, aux amis qui l’avaient abandonné.

Tout en écoutant ces doléances, il se demandait qu’elle eût été sa propre vie, s’il avait rencontré un amour plus puissant que sa volonté. Bien qu’il éprouvât un peu d’aigreur à l’égard de cet homme qui, jadis, marchait avec des airs de conquérant, et qui tombait aussitôt que les circonstances ne le portaient plus, Philippe ne se croyait pas assez fort lui-même pour mépriser les victimes de la passion. Il se rappelait, d’ailleurs, le charme de Mme  Borg, l’irrésistible séduc-