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L’EXODE

— Bien certainement, ma chère, mais enfin…

— Taisez-vous donc ! J’aurais pu, moi aussi, avoir du champagne dans ma cave, et me faire payer des robes décolletées jusqu’à… l’indécence !… Vous auriez vu accourir les amateurs ! Frédéric aurait fignolé sa peinture et mis des canards dans ses paysages. Il les aurait vendus comme des petits pains !… Mais je me suis retenue de la tentation, même quand nous étions criblés de dettes.

— Allons, allons, calme-toi ! dit Frédéric, tu es une brave et digne femme… Seulement, nous sommes ici à causer de nos petites affaires, et la ville est en rumeur… On dit que l’espionnage a gangrené toute la nation ! Le roi va partir pour l’armée, car il paraît que nous sommes trahis même par nos généraux ! Et, tirant un journal du soir :

— Regardez cela : cinq mille fugitifs liégeois à Bruxelles !… Mulhouse évacué par les Français !…

— Oh ! répliqua Philippe, une simple affaire de francs-tireurs !

— Les journaux le prétendent… Ils prétendent même que la situation reste bonne. Moi, je vous assure qu’elle est mauvaise !

— Voyons, Frédéric, soupira Marthe, vous allez de nouveau nous faire peur.

— Le fait est, avoua Héloir, que j’ai vu aujourd’hui chez madame Fontanet un prêtre de la province de Liège, et qu’il m’a conseillé de prendre mes dispositions.