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DEUXIÈME PARTIE

Inutile de protester. La police, d’ailleurs, vous entraîne :

— C’est la loi ! Les banques n’accordent que cette somme, et seulement tous les quinze jours. À la Banque Nationale, une interminable file s’allonge d’heure en heure, sans que la lente hostilité des changeurs parvienne à lasser la patience du public.

On loue des chaises sur les trottoirs, pour y passer la nuit. On y boit, oh y mange, les yeux au loin sur les portes fermées, qui de temps à autre s’entre-bâillent pour dix personnes à la fois.

Maris, femmes, enfants succèdent l’un à l’autre. Des pauvres stationnent, payés par les riches ; on achète une bonne place à prix d’or.

Il y a là cinquante mille personnes, cinquante mille victimes qui, attendent, qui attendront en vain, et qui, bientôt fuiront vers l’exil, plus dénuées que des mendiants. Et combien, à cause de ces banquiers, crèveront de misère, la rage aux dents, comme des chiens abandonnés ?…

À la nuit tombante, Philippe et Sauvelain s’en allèrent, épuisés de courage.

À cette vaine attente, le peintre préférait encore la poursuite aléatoire de ses douze débiteurs. Quant à Philippe, il se promit d’aller trouver son oncle Grassoux, industriel millionnaire, qui lui devait une respectable somme et qui, sans doute, ne se refuserait point à la lui rembourser.

M. Grassoux habitait, à l’avenue de Tervueren, un