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L’EXODE

hôtel à entrée cochère que fermait une grille de fer forgé. Au salon, de style empire, un tapissier-garnisseur avait disposé des gravures congruentes sur les panneaux de soie verte à couronnes de laurier doré : le Serment des Horaces, Mme  Récamier sur sa chaise-longue, le portrait de la marquise d’Orvilliers.

Dans le silence de la maison, où un domestique introduisit Héloir, une sonnette électrique frissonnait par intervalles, une porte battait, un marteau clouait, des pas au plafond d’une pièce voisine faisaient trembler les pendeloques d’un lustre de cristal.

Philippe devina une sourde agitation, des courses insolites sur le grand escalier, un affairement dont les bruits étouffés parvenaient jusqu’à lui.

M. Grassoux ne le fit point attendre. Il parut en manches de chemise et balafré de poussière :

— Pas de mauvaises nouvelles ?

— Pas que je sache.

— À propos… vous savez… je pars pour La Panne. J’emballais à l’instant mes papiers d’affaires.

— Et votre usine ?

— J’y ai fait installer soixante lits, pour la protéger des Allemands.

— Vous craignez donc qu’ils viennent ?

— Parbleu !

Grand, le visage rouge et dur, il se classait par sa seule apparence dans la catégorie des forts. Il n’en fuyait pas moins à la première alerte, abandonnant son usine à la garde des employés.