Page:Torcy (Blieck) - L'exode, 1919.djvu/115

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
114
L’EXODE

VI


Comment Philippe et Marthe se trouvaient dans le train de La Panne, ils ne pouvaient le comprendre. Deux heures avant, résignés à leur sort, ils s’attendaient à voir les Allemands pénétrer dans la ville et massacrer la population. Marthe, révoltée contre Philippe, qui s’obstinait à ne pas quitter sa maison, avait résolu de rejoindre sa fille ; puis elle ne s’était plus senti le courage de partir, de laisser Philippe seul, au milieu du danger. Tout à coup, la panique !…

On avait fui, sans réfléchir, dans une épouvante où l’on ne pensait qu’à sauver son existence, à ne point tomber aux mains des sinistres envahisseurs.

Et voici qu’on se trouve dans un compartiment, où l’on étouffe, où l’on s’accroche férocement pour n’être pas repoussés vers les portières. Sur le quai, une indescriptible confusion : les hommes écartent les femmes ; on piétine les enfants, chacun pour soi ! C’est le cri de la bête humaine… Enfin le train s’ébranle, au milieu des cris et des pleurs, tandis que, sur les marchepieds, on se bat pour trouver place.

Le lugubre voyage !

À toutes les gares, assailli par la cohue, le train se traînait comme une chenille criblée de fourmis. Dans le tumulte et les vociférations, se perdait un temps inestimable, dont chaque seconde vous exposait à la surprise des Allemands.