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Page:Torcy (Blieck) - L'exode, 1919.djvu/116

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DEUXIÈME PARTIE

Après une heure d’angoisse, la marche du train s’accéléra. On se disait, en respirant avec prudence, que chaque révolution des roues éloignait de l’esclavage ou de la mort, et, comme la ligne pouvait être coupée, on fouillait du regard la banlieue déserte, où l’on tremblait de voir des casques prussiens derrière les palissades goudronnées des bordures.

On commença de se rassurer à la vue des pâturages, d’où les paysans avaient retiré le bétail, car l’inquiétude veillait encore à l’horizon.

Les peupliers, au feuillage tremblant, paraissaient fuir le long des routes ; les moulins gesticulaient dans l’immensité de la plaine, où les clochers pointus s’élevaient comme des mains jointes par-dessus les maisons à genoux…

Tandis que le train passait une barrière, on aperçut, dans la rue d’un village, une procession de pauvres gens derrière le curé en surplis, le sacristain portant une bannière et un enfant de chœur portant la croix.

Plus loin, c’était la statue peinte du Christ qu’on promenait entre les blés, sous le ciel d’un bleu pur. Ailleurs, des femmes, agenouillées devant un calvaire, se serraient en troupeau sous la garde du pasteur, qui priait Dieu de sauver la moisson…

Bientôt les processions devinrent plus rares. La vie reprenait son cours paisible. Du bétail reparut dans les pâturages ; des femmes travaillaient aux champs, une voiture de médecin, arrêtée devant la barrière, faisait