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L’EXODE

trouvait à l’abri des Allemands, il tendit à Philippe deux doigts protecteurs :

— Je ne m’attendais pas à vous voir si tôt !

Déjà Marthe se précipitait :

— Et Lysette ?

— Elle est chez nous, dit M. Forestier.

Sa villa faisait face à la mer. De la digue, Philippe et Marthe reconnurent l’abat-jour de satin rose, dont la chaude clarté leur évoqua l’intime douceur de la maison de Bruxelles.

— Devinez qui nous arrive ? s’écria M. Forestier, poussant la porte et s’arrêtant au seuil.

Sa femme, de dix ans plus âgée que Marthe, s’empressa vers elle, inquiète et ravie :

— Rien de mauvais, je suppose ?

— Non, non, rassurez-vous !

On savait que la moindre contrariété lui faisait peur, qu’elle repoussait avec effroi toute menace à la sécurité, à la béatitude de son existence heureuse.

D’un embonpoint que la vie sédentaire avait exagéré, elle ne conservait de ses grâces anciennes que des mains élégantes, un peu trop chargées de brillants.

— Je suis charmée ! dit-elle, en levant ses bras courts et potelés vers sa sœur.

Lysette, surprise à la vue de ses parents, fronça les sourcils, contrariée de leur venue :

— En voilà une idée de surprendre ainsi les gens ! Marthe, blessée jusqu’aux larmes, se détourna de sa