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Page:Torcy (Blieck) - L'exode, 1919.djvu/13

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L’EXODE

Elle se déclarait lasse, après l’ennui des malles, des horaires, des billets :

— Pour ces préparatifs, on ne peut guère compter sur Philippe. Non que la bonne volonté lui manque, mais il s’imagine que les trains sont faits pour vous attendre, et qu’il s’en trouve toujours un pour vous conduire où vous devez aller.

Elle disait cela sans intention blessante, sachant que son mari, absorbé par la littérature, vivait dans un monde imaginaire qu’il tenait pour plus important que le monde réel.

— Avez-vous emporté des livres ? demanda-t-il à Lucienne.

— Quelques-uns. Et vous ?

— Aucun. J’ai besoin de me reposer.

— On le voit : vous avez l’air fatigué.

— Que veux-tu ? dit Marthe, il se tracasse de l’insuccès de son dernier roman. Il devrait bien se faire une raison.

Et, songeant qu’avec moins d’intelligence et moins d’effort, Philippe aurait pu s’enrichir par les affaires, elle ajouta :

— Métier de chien, que celui d’artiste !

— Bah ! laissons, dit Philippe.

Sachant que Lucienne se tourmentait d’une aventure d’amour contrariée par sa mère, il reprit en souriant :

— Mais vous ?… Comment va le moral ? Est-ce fini, cette histoire ?