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PREMIÈRE PARTIE

— Oh ! nous avons le temps, dit Mme  Fontanet, serrant les mains tendues.

Avec une tendresse un peu cérémonieuse, elle posa deux baisers sur les joues de sa fille, puis, s’approchant du wagon, elle fit à Mme  Héloir les suprêmes recommandations :

— Je compte vous rejoindre dans un mois, si mon notaire peut terminer ses ventes… Ma chère Marthe, rappelez à Lucienne qu’elle doit m’écrire tous les jours… Et tâchez que Philippe la fasse travailler : c’est le bon remède.

La taille droite, le profil pur, elle gardait dans cette gare des manières de salon ; elle parlait avec lenteur, en soignant ses phrases, ne s’apercevant pas que chacun, autour d’elle, s’agitait sans bien l’écouter.

Le train siffla ; un garde fit claquer les portières, et l’on n’eut que le temps de s’écrier :

— Au revoir donc !

— À bientôt !

Puis on agita des adieux vers Mme  Fontanet, jusqu’à ce qu’elle eût disparu dans la foule.

Quand chacun fut assis :

— Quelle chance d’être seuls ! s’écria Lysette, nous pourrons nous étendre pour dormir.

— Il me sera impossible de fermer l’œil, dit Lucienne, je me connais, ça m’excite, un départ.

— Tout de même… essayons de nous reposer, conseilla Marthe, nous n’arriverons à Bâle que demain matin, et ce n’est qu’une moitié du voyage.