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Page:Torcy (Blieck) - L'exode, 1919.djvu/132

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TROISIÈME PARTIE

faire un ennemi. Aussi poussait-il l’indulgence à des extrémités déplorables, si bien que chacun exploitait sa bonassité.

Philippe, néanmoins, ne voulut point abuser de son beau-frère :

— Gardez votre argent, Bernard, vous en aurez besoin. Et Dieu sait s’il est difficile d’en trouver à présent. J’irai plutôt à Ypres, voir le docteur Claveaux, qui pourra, je suppose, négocier mes actions à la Banque de Courtrai.

Passant au fumoir, Philippe tira de sa poche un numéro du Times, qu’il s’était procuré à Ostende. Et, traduisant à Bernard les endroits principaux, il s’interrompit, afin de les commenter :

— C’est la première fois que j’entends une opinion sensée, exprimant ce que tout le monde pense et que personne, cependant, n’ose avouer… Que dites-vous de ceci ?… « La situation est grave. L’Angleterre ne pourra se contenter du rôle de spectatrice. Elle devra se rendre compte que l’existence future de l’empire est en jeu, autant que celle de la France et de la Belgique. Ne nous faisons pas d’illusions, et ne croyons pas que nous en serons quittes à envoyer quelques soldats, en subissant quelques privations et quelques pertes navales, dans une guerre qui dévastera la moitié de l’Europe. »

— J’en ai bien peur, soupira M. Forestier.

— Ce n’est pas tout ! reprit Héloir. Le correspondant militaire se plaint que l’on cache au public les mauvaises nouvelles. Cela n’est ni sage, dit-il, ni propre à