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TROISIÈME PARTIE

vrance à l’animation de Bruxelles, et rien ne lui était reposant comme le calme provincial de la vieille cité flamande, qui semblait dormir dans le silence et l’oubli. Protégée contre le progrès par des habitudes séculaires, elle se satisfaisait d’une vie lente, rêveuse, dans ce coin perdu de la Flandre, écarté de l’industrie, des brasseurs d’affaires, du féroce égoïsme de la civilisation.

Bien que la ville fût jolie, pleine de grâces anciennes, les touristes n’y séjournaient point. Parfois, le dimanche, quelques autos s’arrêtaient sur la place, dont l’immensité surprenait le visiteur. Messieurs et dames, en cache-poussière, levaient le nez vers la tour des halles, vers le clocher de l’église Saint-Martin ; ils allaient faire un tour jusqu’aux remparts, dînaient longuement à l’hôtel de la Châtelainie, prenaient le café à la terrasse, après quoi ils repartaient, impatients de brûler du soixante à l’heure et d’oublier la ville endormie, dont ils avaient à peine regardé les antiques maisons.

Pour se rendre chez le Dr  Claveaux, Philippe Héloir prenait par les remparts.

On y rencontrait des peupliers d’un beau style, effilant leur image dans l’eau des douves irisée par le vent, des tourelles en éteignoir d’un charme romantique. Sur une passerelle étroite, pareille à une longue chenille, on traversait le fossé plein de roseaux et de nénuphars, et on arrivait à l’une des portes de l’enceinte.

Aussitôt, le monde ancien vous accueillait : une