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L’EXODE

Ypres, éveillaient l’inquiétude et donnaient à craindre de nouveaux combats. Des gardes civiques licenciés, sans moyens d’existence, traversaient la ville et demandaient l’hospitalité. Ils racontaient de terribles histoires de meurtres, de fusillades, et ils s’empressaient vers la France, n’osant s’attarder à Ypres, tant ils craignaient d’être surpris par les Allemands.

Néanmoins, on se rassurait encore. On avait des événements une idée si confuse qu’on se croyait à l’écart des opérations militaires. Il fallut l’arrivée des fugitifs, pour s’apercevoir que le danger envahissait la Flandre et que les incendies s’allumaient à l’horizon. En approchant de la ville, Philippe et Sylvain comprirent que la situation devenait menaçante. Ils se trouvèrent arrêtés par une colonne de fuyards : paysans avec leur bétail, leurs chariots bourrés de meubles, de femmes, d’enfants, d’instruments de labour. Tout cela formait une cohue. Des moutons se répandaient sur les remparts ; un bœuf se dressait, poussé par les autres ; on campait dans une prairie où des familles se groupaient autour d’un panier de vivres. Un troupeau de porcs jeta la confusion sous la porte en ogive où le cortège, arrêté, ne pénétrait qu’à de longs intervalles, par village, le curé en tête, avec les notables de l’endroit.

À l’écart, un homme se tenait immobile, près d’une voiture d’enfant. D’apparence bourgeoise, le collet de son pardessus relevé, le bord de son chapeau de feutre abattu sur les yeux, il paraissait moins triste qu’hu-