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L’EXODE

temps. L’armée s’approchait des remparts. Une mitrailleuse et quelques soldats belges s’aventurèrent à repousser les éclaireurs ; et les autorités, averties, s’empressèrent à la rencontre des Allemands. On craignit des représailles, sachant ce qu’il en coûtait de donner aux barbares l’occasion d’avancer leur fameuse légende des francs-tireurs. Il suffisait qu’un Saxon ivre abattît un Prussien d’un coup de feu pour que les civils belges fussent massacrés par centaines, leurs biens pillés, leurs villages détruits…

Il était environ deux heures, quand Philippe et Sylvain arrivèrent à la Grand’Place. La foule, massée dans les rues avoisinantes, n’osait risquer un pas sur l’immense rectangle vide. Il semblait qu’une corde tendue arrêtait les curieux. On en voyait s’accrocher aux fenêtres, aux réverbères, aux piliers des halles, aux devantures des magasins. Sur la place, un foxterrier, taché de noir, aboyait dans le silence oppressé de cette vaste solitude. Et Philippe, qui sentait battre son cœur, le sentait aussi se durcir de haine pour les oppresseurs, dont l’innombrable légion répandait tant de misère sur le monde… Soudain, deux Allemands parurent, deux officiers, accompagnés d’un notable de l’endroit. Ils se dirigèrent vers l’hôtel de ville ; et l’on apprit, dans la suite, que leur premier soin fut d’y prélever une substantielle contribution. Bientôt, des cyclistes débouchèrent, par la rue de Dixmude, et, aussitôt après, des uhlans galopèrent et se répandirent, le fusil au poing, couchés sur le col de leur monture et,