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L’EXODE

terie et des soixante-quinze mille francs de la contribution.

Barnabé surtout se réjouit du départ des Allemands. La veille, au soir, ils l’avaient expulsé du Cercle de la Concorde où, depuis cinquante ans, il allait chaque jour faire sa partie de billard. Lui aussi s’était tourmenté toute la nuit, en songeant à sa bonne ville. Plus que personne, il en appréciait la délivrance. Ypres lui représentait le seul endroit du monde où la vie valût la peine d’être vécue, et plus rien ne l’intéressait, passé l’enceinte des remparts. Il pensa donc revenu le bon temps paisible, que ses vieilles habitudes mesuraient avec douceur.

Quelle ne fut point sa surprise, après deux ou trois jours de calme, de voir un essaim volant d’autos s’agglomérer sur la Place, et un grouillement de ruche au travail se répandre aussitôt alentour. C’étaient les Anglais, tombés des nues, les sauveurs si longtemps attendus !

Oh ! alors quel délire ! La ville entière accourut les acclamer. Toute inquiétude avait disparu ; on se sentait enfin protégé.

Sur la Place, les badauds s’émerveillaient de l’énorme train de bagage et d’ambulance que les Anglais amenaient à leur suite. Et tout était neuf, solide, abondant.

Lorsque les Écossais parurent, les dévotes s’enfuirent d’abord ; mais, curieuses, elles revinrent une à une, scandalisées de voir des hommes à jambes nues et dont