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L’EXODE

je m’dis. Et j’ai r’piqué… J’ai r’piqué toute la nuit !

— T’as pas soif, des fois ? demande un loustic.

Mais l’homme de glaise n’eut pas le temps de répondre. Une religieuse parut, et, les bras toujours écartés, il la suivit au lavoir.

Bientôt, une autre descendit l’escalier, la jupe volante, un crucifix d’ébène à la main.

Sans doute, quelqu’un se mourait dans la salle des opérés, un de ces soldats inconnus, un de ces martyrs anonymes auxquels, dans leur agonie, les bonnes sœurs montraient le corps émacié du Christ, leur Grand Frère, qui avait, comme eux, donné sa vie pour le salut des innocents.


V


Le vieux Barnabé était le plus réglé des bourgeois d’Ypres, le plus asservi à des habitudes, le plus incapable d’initiative ou de volonté.

Du vivant de sa femme, il lui remettait son carnet de visites. C’était elle qui envoyait aux clients le détail des honoraires, qui touchait les loyers et les fermages, tandis que Barnabé se contentait de l’argent nécessaire à ses menus plaisirs.

À la mort de cette épouse exemplaire, les complications de l’existence l’assaillirent, et le bonheur de vivre lui fut ainsi gâté.

Incapable de soigner à la fois ses affaires et ses malades, il prit l’héroïque décision d’abandonner le