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TROISIÈME PARTIE

tout à Sylvain. Lui laissant sa clientèle et la gérance du patrimoine, il se retira au premier étage de sa vaste maison.

Nanette, sa vieille cuisinière, fut élevée au rang de gouvernante, et elle en prit occasion, suivant l’exemple de sa défunte maîtresse, pour soumettre Barnabé à son gouvernement.

Bien qu’il fût une manière de colosse assez prompt à s’emporter, il ne faisait peur à personne. Ses colères n’émouvaient point Nanette. Elle savait que Barnabé perdait la tête au plus léger ennui. Comme le moindre effort lui était pénible, il gémissait, rien qu’à mettre son col. À cause de sa corpulence, il transpirait à lever les bras ; ses grosses mains inhabiles cassaient les boutons de nacre ; d’un geste brusque il déchirait une boutonnière et, après un quart d’heure de lutte, il emplissait la chambre de ses appels désespérés.

Nanette accourait à ses cris. Voyant son maître dans son fauteuil, haletant, le front en sueur, le col dressé par-dessus les oreilles, elle le croyait frappé d’apoplexie. Mais déjà il se redressait pour maudire les boutons de nacre, les cols amidonnés, l’incurie de Nanette et la complication de l’univers.

— S’il y a du bon sens, grondait la vieille bonne, à se mettre dans un état pareil !

Un peu plus tard, la grosse voix de Barnabé s’élevait à nouveau dans la détresse :

— Nanette, mon chapeau !… Nanette qu’a-t-on fait de ma canne ?