Aller au contenu

Page:Torcy (Blieck) - L'exode, 1919.djvu/18

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
17
PREMIÈRE PARTIE

et, jusque dans son sommeil, il se débattait contre des obstacles, entre les murs d’une prison qu’il frappait rageusement de ses poings meurtris.

L’impression lui resta d’avoir manqué sa vie, d’être un raté par la force des événements.

Il échappait par la lecture aux réalités d’un monde où il se sentait étranger. Le soir seulement, il croyait vivre. Tandis que sa mère cousait au coin du feu, il se laissait emporter aux rêveries des poètes, si bien qu’il prit un goût passionné de la littérature et qu’il reporta sur elle ses ambitions inassouvies.

Ce fut la seconde erreur dont il eut à se repentir.

Il s’aperçut, trop tard, qu’il perdait le bénéfice d’une longue éducation musicale, qu’en lui le sentiment était plus riche que l’imagination, que ce n’est point par la lecture qu’on devient écrivain, qu’il avait jusqu’alors végété à la lumière d’une lampe et qu’il ne trouvait rien à dire, parce qu’il n’avait pas vécu.

Mais il n’était plus temps de retourner à la musique.

D’ailleurs, il ne voulait point perdre sa vie à des recommencements. Il suivrait plutôt sa passion nouvelle, de toute la force de sa volonté.

Bientôt sa sœur se maria ; puis, leur mère étant morte, il fit la connaissance de Marthe.

L’amour, alors, brilla comme un soleil aux barreaux de sa prison ; toute son existence passée lui parut vaine, et toutes ses ambitions, enfantées par l’orgueil. La « vie véritable » se révélait à lui, la vraie lumière, le vrai bonheur.