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TROISIÈME PARTIE

cigare, il feuilletait de vieux fascicules de la Revue de Paris.

L’armoire aux livres en alignait plusieurs années complètes, mais anciennes, léguées au Cercle par le notaire Paturon. Barnabé les relisait avec un plaisir toujours nouveau, grâce au don qu’il avait d’oublier ce qui ne se rapportait point à sa bonne ville, ou ce qui s’était passé durant ses derniers quarante ou cinquante ans.

Le cigare, son verre de bière, l’habitude et, surtout, l’atmosphère intime de la Concorde donnaient du charme à sa lecture, qu’il terminait invariablement au premier coup de neuf heures.

Le temps était venu de régler sa montre et de faire une partie de billard.

Cette montre, lourde, ancienne, et qu’il ne pouvait glisser dans son gilet, était une montre à chaîne, sonnant les premières mesures du carillon des halles. C’est pourquoi Barnabé la tenait plus chère que la prunelle de ses gros yeux. Mais elle retardait incurablement ; il fallait la régler tous les soirs, et elle ne consentait à marcher vingt-quatre heures qu’après une laborieuse opération.

Assis devant la pendule du Cercle, Barnabé s’extrayait de la poche une longue bourse à coulants. Il y cherchait une clé que ses doigts becquetaient avec peine ; puis, ayant ouvert la montre, il comptait les tours de clé et, enfin, poussait la grande aiguille à la minute précise.