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Page:Torcy (Blieck) - L'exode, 1919.djvu/193

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L’EXODE

mort dans son fauteuil, qu’il reculait seulement pour s’abriter du froid et de la pluie, car la fenêtre et le plafond troué s’ouvraient à tous les vents.

Un soir, des officiers français le trouvèrent, enveloppé d’une couverture, au milieu des plâtras mouillés. La bise d’automne soulevait ses cheveux blancs, et il dormait dans son fauteuil.

Comme on l’entraînait vers un abri, il disparut dans l’ombre. Toute la nuit, il rôda dans les rues vers les endroits où tombaient les obus.

Mais la mort ne voulut point de ce désespéré, qui marchait à sa rencontre. Vaincu par la fatigue et la faim, il retourna chez lui aux premières lueurs de l’aube.

Dès lors, craignant d’être découvert, il se réfugia dans les caves. Grâce à des gens du peuple, qui se cachaient comme lui, il put se procurer de la nourriture. On ne le remarquait point, car il ne sortait que le soir, et seulement aux heures de canonnade.

Autour de lui, la ville s’écroulait, des ambulances bourdonnaient dans l’ombre, emportant des blessés ; mais le vieillard, protégé, semblait-il, par un pouvoir surnaturel, s’acharnait à chercher la mort qui fuyait à son approche. Enfin, ne pouvant trouver la délivrance, il retournait dans sa cave, s’échouer sur un matelas. Souvent, ne sachant que faire dans sa longue solitude, il tirait sa montre et la contemplait au jour pâle et gris du soupirail. Quand l’aiguille approchait de la minute attendue, il s’appuyait à l’oreille le visage de cette