Page:Torcy (Blieck) - L'exode, 1919.djvu/216

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risquait l’indigence. Et Marthe ne voyait entre elle et la misère que ses cinq mille francs, un vague espoir du côté des Grassoux et l’amitié de Mme  Fontanet, qu’elle savait riche et généreuse.

Lucienne et sa mère avaient quitté Bruxelles, quand on y fut certain de l’arrivée des Allemands.

Comme tant d’autres fugitifs, elles avaient cédé à la brusque panique du 20 août. À grand’peine, elles trouvèrent place dans un train qui partait pour Ostende, où la sécurité leur ramena le souvenir de la famille Héloir. Mais les envahisseurs occupaient la capitale. Postes et télégraphe ne fonctionnaient plus. Mme  Fontanet, isolée de son notaire, trembla pour sa fortune, abandonnée là-bas. Lorsque les journaux annoncèrent que les Allemands n’avaient point incendié Bruxelles, elle regretta son départ.

Mais Ostende fut bientôt menacé des uhlans. On se battit aux environs de la ville ; et, comme les autorités se préparaient à la retraite, ces dames se hâtèrent de partir pour Folkestone, avant que le service des malles ne vînt à leur manquer.

Elles y arrivèrent au début de septembre.

Au sommet de la digue rocheuse qui domine les maisons du port, la musique de la plage, en coiffure galonnée d’or, jouait des fantaisies d’opéra, tandis que le public, allongé sur des fauteuils pliants, jouissait de la douceur de vivre.

Il faisait le plus aimable temps du monde. Aux terrasses des hôtels, on se berçait en rocking-chair ; aux