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Page:Torcy (Blieck) - L'exode, 1919.djvu/215

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Jean vivait encore, et cela seul, peut-être, les sauvait du désespoir…

— Voyons, Philippe, que comptez-vous faire ? Voulez-vous nous accompagner à Tours ?

— Merci, Bernard ! Je préfère tenter un dernier effort auprès de Constantin. Il a beau se cuirasser du moratorium, il ne doit pas moins éprouver des remords de s’approprier l’argent dont nous avons besoin pour vivre !

M. Forestier sourit à l’image d’un remords dans la conscience de M. Grassoux. Il ne dit rien, toutefois. N’ayant pu sauver qu’une maigre part de ses valeurs, il lui était difficile de se montrer généreux, sans se priver du nécessaire. Philippe, d’ailleurs, ajouta :

— J’exigerai ce remboursement. Nous n’avons que cinq mille francs, à peine. Si la guerre ne finit pas bientôt, nous serons réduits Dieu sait à quoi !

Il fut donc décidé que les Forestier iraient à Tours et les Héloir à Folkestone.

Marthe se réjouit à la pensée de revoir Mme Fontanet. C’était une amie véritable ; on pouvait compter sur elle dans la mauvaise fortune. Quant à Lucienne, dont l’amitié pour Philippe demeurait inoffensive, Marthe ne la craignait point. Le temps n’était plus de rêver à l’amour : chacun avait d’autres soucis. Il fallait vivre d’abord, et le problème qu’on aurait bientôt à résoudre ne laissait plus d’importance aux subtilités du sentiment. Il s’agissait de trouver les moyens de se soutenir pendant la guerre ; pour peu qu’elle durât, on