Mais elle n’en put exclamer davantage. Ses lèvres tremblèrent ; balbutiante, elle étreignit Marthe avec effusion ; et, serrant les mains de Philippe, embrassant Lysette, elle dit à voix basse, comme on parle dans un couvent :
— Quelle surprise !… Que Lucienne sera contente !… Nous désespérions de vous revoir !
Lucienne lisait dans une petite pièce dont elle aimait la solitude. À l’apparition des Héloir, elle laissa tomber son livre. Bien que son visage fût dans l’ombre, chacun s’aperçut qu’il se décolorait.
— C’est nous ! dit Marthe, avec un sourire mouillé.
La jeune fille se mit debout ; mais, paralysée de stupeur, elle ne trouva ni un geste ni une parole, quand Marthe lui appuya deux baisers sur les joues. Elle tendit a Philippe une main froide qui se crispa, et ce ne fut qu’après avoir étreint Lysette qu’elle sourit à son tour, en s’essuyant les yeux.
Déjà la curiosité succédait à l’émotion :
— Depuis quand êtes-vous ici ?
— Depuis trois jours.
— Alors, vous avez dû recevoir notre lettre !
— Non. Vous nous avez donc écrit ?
— Mais oui ! À Equien… il y a plus d’une semaine.
C’est par le docteur Claveaux que nous avons appris votre adresse.
Chacun résuma les aventures de son voyage, la panique soudaine à l’approche des Allemands, le tumulte dans les gares, la ruée terrible du dernier jour.