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L’EXODE

Bientôt, d’ailleurs, il parla du printemps, qui apporterait la victoire, et du monde nouveau qui s’organiserait, qu’il voyait fondé sur l’altruisme, et réalisant les utopies dont il rêvait à Lugano.

Puis il forma des projets d’existence : moins de luxe, moins de faux bonheurs, les joies saines de la nature ; il vivrait à la campagne, aux environs de Bruxelles, tout en multipliant les points de contact avec les autres hommes. Le temps était passé de la littérature ésotérique. Il fallait aller au peuple, sortir de soi, s’inspirer de la vie sociale…

— Et vous ? demanda-t-il à Lucienne, dont le silence lui parut attristé.

— Oh ! moi… fit-elle, je ne sais encore… si mère s’obstine à vouloir partir, je tâcherai de me rendre utile en Belgique. Nos moyens nous permettraient là de soulager beaucoup de misères.

Mais, voyant le regard de Philippe se durcir, elle ajouta vite :

— C’est du moins ce que mère me répète pour vaincre mes résistances.

Philippe ne répondit point, consterné par la certitude que Lucienne retournerait au pays, céderait, une fois de plus, à l’influence de Mme  Fontanet.

Pour cacher son trouble, il détourna les yeux. Et souriant avec ironie, à la voir si faible dans la détresse, il la comparait à Marthe, pour qui le retour ne faisait pas question. Sa modeste vaillance, comme son dévouement, se maintenait dans l’exil. Quelques mois