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PREMIÈRE PARTIE

se tourmentent, qui cherchent dans le mariage les exaltations de l’amour.

Bien qu’elle eût une grande fille de dix-sept ans, elle ne méprisait point les élégances de la toilette ni les plaisirs de la vie mondaine. Tout considéré, elle se croyait heureuse, mais elle ne gâtait pas son bonheur à le vouloir trop grand.

Ses idées, peu nombreuses mais justes, se retenaient dans le raisonnable, et, pour secondaire qu’elle fût en esprit, c’était devant le bon sens de Marthe que Philippe et Lucienne finissaient toujours par s’incliner.

Ils causaient dans la galerie, où le soleil coupait d’une ombre violette les piliers carrés des arceaux. Sur le lac ridé par les cygnes, Lysette, qui ramait au loin, remuait des ondes lumineuses à chaque plongée des avirons.

Lucienne, accoudée dans un fauteuil, était devenue pensive.

— De nouveau perdue dans vos souvenirs ? demanda Philippe, après une conversation dans laquelle rien d’eux-mêmes ne s’était exprimé.

Elle sourit, les mains derrière la tête et les yeux au plafond, où le reflet de l’eau mouvante étirait des lueurs élastiques.

Il reprit, croyant qu’elle souffrait de son amour passé :

— Mettez-vous au travail, c’est le meilleur moyen d’échapper à la vie.