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PREMIÈRE PARTIE

D’ailleurs, quelque chose de plus fort que leurs désirs les retenait à distance, et ce fut en échangeant des phrases banales qu’ils arrivèrent à l’hôtel.

Marthe dormait. La lampe suspendue se balançait aux souffles de la nuit, éclairant son épaule découverte, dont la ligne avait la rondeur des fruits mûrs…

Elle semblait heureuse dans son sommeil, les traits reposés dans la quiétude…

Pourquoi Philippe ne pouvait-il, comme elle, se contenter du bonheur domestique ? Pourquoi, en dépit de la raison, s’enfiévrait-il encore à la pensée de l’amour ?…

À quoi bon ? Pour un désir qui nous entraîne, il se lève dix devoirs pour nous retenir !

IV

Debout à l’arrière du bateau qui les emportait à Brunnen, Lysette et Lucienne regardaient une barque où ramaient deux étudiants. À grands efforts, ils tâchaient de suivre le navire, mais, à chaque révolution des aubes, Lysette voyait reculer son premier espoir d’amour.

Une rose tremblait à ses doigts, qu’elle jeta sur le lac ensoleillé. Les rameurs, bientôt, s’arrêtèrent ; l’un se pencha pour saisir la fleur, tandis que l’autre adressait aux jeunes filles un regard qui se perdit comme un désir inexaucé.