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L’EXODE

dont les pierres et les grilles disparaissaient à demi sous des roses, petites et nombreuses, qui étincelaient comme du feu répandu.

On dominait, de ces hauteurs, les toits orange du village et une anse du lac, où le soleil faisait scintiller des paillettes. Au bord de l’eau, quelques points colorés indiquaient l’endroit où ces dames étaient assises ; au départ de l’escalier, la robe de Lysette paraissait un flocon d’écume, et, à mi-hauteur, Lucienne montait paresseusement.

Elle agita une main vers Philippe, accroché, là-haut, sur le flanc de la roche ; puis, elle se tourna vers Lysette, qui la suivait en traînant ses pas.

— Ohé ! cria Lucienne.

Sa voix, portée par le silence, remua jusqu’au loin l’air limpide, où vibraient les cigales. Philippe, se reposant sur une pierre, contempla rêveusement cette église de village qu’on avait perchée si haut pour qu’elle fût d’autant plus près du ciel.

Qu’il enviait la foi des simples ! Ils n’ont jamais douté ! Lui, à vingt ans déjà, il ne croyait plus. Et il se rappela les angoisses de sa jeunesse, lorsque, méditant au coin du feu, il ne voyait au bout de la vie qu’une mort sans espérance… Par frayeur du néant, il s’était jeté vers l’amour. Quand il en eut épuisé les joies profondes, il retomba dans la mélancolie.

Et son âme, qui cherchait vainement le repos, s’était alors éprise de socialisme. La noble philosophie de Jean-Marie Guyau lui avait montré la direction