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L’EXODE

ivres de lumière, de chaleur, d’amour, et qui avaient le courage d’être heureuses, de vivre en beauté même sur des tombeaux…

VI

Deux jours plus tard, s’arrêtant à Bâle, Philippe, laissant les dames à l’hôtel, partit en promenade vers le pont du Rhin.

C’était le soir. Dans la ville, où certains quartiers ont gardé la poésie de l’ancienne Allemagne, les gens revenaient de leurs affaires et semblaient se hâter vers leur maison. Les rues paisibles respiraient la vie aisée, l’ordre et le goût des belles demeures et du confort…

Mais pourquoi Philippe recevait-il cette impression que tous ces gens étaient comme lui, seuls, sans liens mutuels, chacun avec son but personnel, qui importait plus à son bonheur que la destinée des cinq continents ?

Dieu sait, pourtant, que Lamennais avait raison, et qu’on ne saurait tromper plus dangereusement les hommes qu’en leur montrant le bonheur comme le but à poursuivre dans la vie.

C’était le bonheur, cependant, que Philippe avait cherché surtout. Et il continuait à le chercher espérant encore en Lucienne, malgré la raison, malgré la scène au cimetière de Morcote, où, contre toute prévision, il