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Page:Torcy (Blieck) - L'exode, 1919.djvu/70

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DEUXIÈME PARTIE

Il lui fallait quelqu’un avec qui partager son allégresse. Pourquoi Lucienne n’était-elle pas à son côté, en un tel jour de délivrance ? Ils se fussent ensemble baignés dans la joie nationale !…

Heureusement, Philippe se souvint que son ami M. Van Weert, financier-propriétaire, allait chaque jour qu’il faisait beau prendre l’apéritif à la Laiterie du Bois. N’ayant personne à qui parler, l’écrivain se dirigea par l’Avenue Louise vers le Bois, où il espérait rencontrer M. Van Weert. Chemin faisant, il prit plaisir à voir les marronniers se tremper dans le soleil, le bleu du ciel se dégrader en douceurs infinies, et les gens s’attabler aux terrasses des cafés, avec la confiance et le calme des anciens jours…

« Que la vie est belle, et l’homme insensé, qui parle de guerre et de domination, quand il ne faudrait qu’un peu de justice pour que chacun eût sa part de bonheur ! Pauvres Français, que l’horrible guerre menaçait encore !… S’ils pouvaient y échapper aussi ! »

À piétiner la Belgique, l’Allemagne se fût avilie dans la mémoire du genre humain, et Philippe comprenait qu’elle reculât devant un tel crime. Quant à surprendre la France et à la frapper sans provocation, elle s’en ferait gloire, et de miner le seul pays où l’on eût le respect de l’intelligence, le seul qui ne fût point asservi tout entier au panmufflisme de l’argent.

Lorsque Philippe entra dans le Bois, il ne rencontra qu’un fiacre solitaire, un taxi chargé de valises, et un