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DEUXIÈME PARTIE

croire que l’homme fût né mauvais, avec des instincts de bête cruelle. Aussi soupira-t-il, quand l’abbé répondit d’une voix grave :

— Monsieur, j’ai vu des choses à faire douter de la Providence… Et c’est un prêtre qui vous dit cela !

Reprenant la conversation que Philippe avait interrompue, il se tourna vers Mme  Fontanet :

— Je regrette que nos évêques n’aient pas cru devoir nous convoquer tous… Nous aurions marché au devant des Barbares, avec toutes les croix des églises, toutes les bannières !… Il fallait dresser l’image du Christ à la face des envahisseurs. Il fallait les obliger à nous passer sur le corps, à piétiner Notre Seigneur, à se trouver infâmes au regard de tous les chrétiens.

Un peu plus tard, il dit encore :

— On m’a lié sur une chaise, dans mon église, où l’on poussait de la crosse mes pauvres paysans… Chaque soldat, en entrant, me crachait à la figure… Une femme, qui s’est jetée devant moi, reçut un coup de pied au ventre et tomba sans pouvoir se relever…

Mme  Fontanet, que de tels récits avaient rendue nerveuse, parla de se réfugier à la mer.

— Pourquoi ? demanda Philippe, les nouvelles sont bonnes.

Mais l’abbé ne le croyait pas :

— Si vous avez des précautions à prendre, prenez-les ! Nous aurons tous à beaucoup souffrir.