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Page:Torcy (Blieck) - L'exode, 1919.djvu/93

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L’EXODE

envahi par les souvenirs, à la voir, à respirer son odeur.

— Oui, répondit-elle, il me semble déjà que ce voyage est reculé dans un autre monde. Avez-vous aussi cette impression ?

— Ce que j’éprouve, dit-il, est une impression de rêve, de cauchemar, d’irréalité. Il y a des jours où je me demande s’il est vrai que nous sommes en guerre, si tout cela n’est pas une illusion !

Comme Lucienne avait ouvert la porte, ils se sourirent encore, avant d’entrer.

Au salon, Philippe trouva Mme Fontanet en compagnie d’un prêtre.

— Monsieur l’abbé Froissart… Monsieur Philippe Héloir.

Les deux hommes se saluèrent.

De belle taille, le menton bleu, les sourcils noirs, l’abbé, jeune encore, donnait une impression de force et de dignité. Il plut à l’écrivain par la distinction de sa politesse, qui révélait une âme fine et l’usage du monde.

Philippe apprit, par Mme Fontanet, que l’abbé Froissart arrivait de la province de Liège et qu’il allait suivre les troupes en qualité d’aumônier.

On parla des atrocités allemandes, dont les journaux commençaient à répandre l’horreur.

— Est-ce bien vrai ? demanda Philippe, qui ne se rendait qu’avec peine.

Malgré la férocité des Allemands, il se refusait à