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Faite de sagesse et de réserve, elle n’enchaine pas la liberté, et en même temps par sa grandeur elle donne déjà à la conscience, malgré son idéal purement humain, la satisfaction qu’elle réclame. Elle n’exige qu’une chose : la pratique de la vertu : par là elle prétend conduire dès cette vie au souverain bien.

Aussi n’a-t-elle pas vieilli : sans le savoir, beaucoup la suivent encore aujourd’hui. Elle reste, au milieu de leurs hésitations, le fanal qui les éclaire et les rassure.

Elle montre à nos âmes inquiètes qu’il existe des refuges et tout un ensemble de postulats moraux, qui défient nos scepticismes et nos ironies.

On dirait que Descartes a deviné les incertitudes de la conscience moderne et compris son insatiable besoin de vérité. Il a, en tous cas, trouvé « le roc » solide, sur lequel on peut en toute sécurité se fixer et laisser passer l’orage. Il a vraiment « posé la planche de salut où passeront les gens qui ne peuvent commencer par croire[1] ».

La première partie de cette étude sera consacrée à l’exposé des théories morales de Descartes. Les maximes du Discours et les lettres sur le bonheur en fourniront les principaux éléments. Nous nous demanderons ensuite si cette morale provisoire ne doit pas avoir son achèvement dans une morale définitive, et nous verrons enfin comment Descartes l’a entendue et pratiquée.

La seconde partie sera purement historique : elle montrera les liens qui rattachent la Morale cartésienne au mouvement général des idées, au xviie siècle. De Balzac à

  1. Les libertins en France au XVIIe siècle, par F.-T. Perrens. 1896. Chaillet, P. 142.