Page:Touchatout - Le Trombinoscope, Volume 1, 1871.djvu/101

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être le plus souvent possible en voyage. — En 1848 Victor Hugo fut envoyé à la Constituante où, — nous avons déjà eu la douleur de le dire, — il vota presque constamment avec la droite, entre autres, les décrets contre les clubs et le droit au travail. Cependant, il réclama, à cette époque, l’abolition de la peine de mort ; c’était déjà quelque chose, un peu de patience, ça va venir. — À l’Assemblée législative, où il fut envoyé par le département de la Seine, Victor Hugo se décida enfin à ne plus tâter l’eau du bout du pied et à s’y jeter la tête la première ; de cette époque date sa transformation, qu’avec la meilleure volonté du monde on est forcé de trouver un peu tardive. Rallié au parti de la République démocratique et sociale (allons donc… traînard !…) il prêta désormais l’appui de sa parole incomparable à la cause républicaine. La droite furieuse, lui jeta souvent dans les jambes les odes royalistes de sa jeunesse, ce qui était à peu près aussi sensé que de reprocher à un zouave d’avoir eu peur de croquemitaine jusqu’à l’âge de trois ans. Quoiqu’il en soit, Victor Hugo, qui avait un peu traîné la jambe, sut rattraper le temps perdu. Les hommes du 2 décembre le trouvèrent assez converti pour l’expulser de France et assez dangereux pour ne pas le rappeler au bout de deux mois comme M. Thiers ; cette comparaison, qui a l’air d’arriver la comme un bouton de guêtre sur une sole au gratin, nous confirme pourtant dans notre opinion déjà ancienne, que le mérite des honnêtes gens se mesure surtout à la crainte qu’ils inspirent aux filous. Victor Hugo se retira depuis à Jersey où il publia plusieurs ouvrages : Les Contemplations, la Légende des siècles, les Châtiments, les Misérables, les Travailleurs de la mer, l’Homme qui rit et Napoléon le petit. En lisant le titre de ce dernier volume, Vélocipède père ajouta malicieusement : par Victor Hugo le Grand. Mais ce que l’on n’a pas dit, c’est que ce mot avait été payé 325 francs la veille par l’Empereur à un rédacteur du Figaro ; cela a été prouvé par le livre des dépenses saisi aux Tuileries le 4 septembre et sur un feuillet duquel on a lu très-distinctement :

15 mars. Trois reparties fines achetées à Villemessant. 800 fr.
22 avril. Une repartie extrafine. 325

Victor Hugo refusa de profiter des amnisties accordées plus tard. Il se retrancha derrière son vers célèbre : Et s’il n’en reste qu’un, je serai celui-là. Les journaux à cocottes ont beaucoup ricané de Victor Hugo, s’attachant lui-même son alexandrin au cou ; eux qui n’étaient attachés au chenil impérial qu’avec des saucisses, devaient en effet trouver ce genre de laisse très drôle. — Victor Hugo, ainsi qu’il l’avait promis, ne rentra en France qu’après qu’on y eût brûlé du sucre. Pendant le siége, il mit un képi et le Figaro n’eut pas assez de côtes pour se les tordre de rire à ce spectacle extraordinaire. Il fallait bien amuser sa clientèle, et le moment était passé de lui rendre compte, à une bouteille près, des bains au vin de Champagne de Blanche d’Antigny… — Victor Hugo fut envoyé à l’Assemblée